Cela Aussi Passera…

Ma foi! Comme les choses peuvent changer rapidement sur les marchés des capitaux. En effet, le S&P 500 a atteint un sommet historique de 6 144 le 19 février de cette année. Il a ensuite subi une correction de 7,70 % en un mois et demi. Puis tout à coup, il s’est trouvé en chute libre pendant deux jours pour finir en baisse de 17,5 %, après l’annonce par le président Trump de l’imposition de droits de douane sur tous les pays, à l’exception de la Corée du Nord et de la Russie. Même les îles Heard et McDonald, des îles éloignées – où n’habite aucun humain, mais où l’on trouve entre autres des manchots – se sont vues imposer des droits de douane. Je me demande comment Trump et compagnie ont l’intention de les percevoir…

Corrections du marché

Un repli du marché de plus de 10 % entre son sommet et son creux au cours d’une même année est assez courant, quelle qu’en soit la raison (guerre en Ukraine, conflit en Palestine, élection du président américain…). En fait, au cours des 90 dernières années, le S&P 500 a subi une correction d’au moins 10 % environ chaque 1,6 an. Au cours des 20 dernières années, de telles corrections se sont produites 10 fois sur 20, soit la moitié du temps.

Toutefois, les corrections de 20 % ou plus, définies comme un marché baissier, sont beaucoup plus rares. Depuis 1928, elles se sont produites 20 fois et si l’on fait la moyenne, nous avons connu un marché baissier tous les 4,5 ans.

Les données des 90 dernières années montrent aussi qu’il faut en moyenne entre quatre mois et un an pour que les corrections atteignent leur creux. La durée de la reprise, elle, varie en fonction de l’état de l’économie : les corrections sans récession nécessitent en moyenne 10 mois pour réaliser une reprise complète, tandis qu’une correction avec récession nécessite un délai sensiblement plus long, soit 3,8 ans en moyenne, si l’on exclut le cas extrême de la Grande Dépression de 1929.

Les corrections en période de récession sont terribles. Les corrections sans récession, en revanche, sont assez tolérables.

Et c’est là que nous nous trouvons aujourd’hui, pour l’instant du moins – au milieu d’une correction sans récession.

Valorisation du marché – vendre, ou ne pas vendre?

À son sommet de février 2025, le S&P 500 se négociait à 27 fois ses bénéfices des douze derniers mois, soit plus que sa moyenne historique de 15 à 20 fois. Il se négocie actuellement à un multiple de 21,6. Par ailleurs, si nous faisons abstraction de l’influence des « Sept Magnifiques » sur la valorisation du S&P 500 en utilisant le ratio cours/bénéfice de l’indice S&P 500 équipondéré, il se négocie en fait à un multiple de 17,2, soit en plein milieu de sa fourchette historique. À moins d’une récession, ce qui n’est pas exclu, cette correction pourrait encore connaître une baisse de l’ordre de 10 % à 15 %.

Devriez-vous vendre? Cela dépend. Si vous n’avez pas besoin de liquidités pour un achat important (maison, chalet, etc.) avant plusieurs années, la réponse est non. Vous perdez le sommeil? Si c’est le cas, vous pouvez toujours augmenter vos liquidités et votre proportion de titres à revenu fixe jusqu’à un niveau avec lequel vous vous sentez plus à l’aise. Toutefois, si vous prenez cette décision, notre expérience montre que, dans presque tous les cas, les gens ne réinvestissent que lorsque tout va bien à nouveau, généralement lorsque le marché a déjà dépassé le niveau auquel ils ont vendu.

Bref, la stratégie la plus judicieuse consiste à disposer d’un portefeuille diversifié et conforme à vos objectifs. Le fait de détenir des titres d’entreprises rentables, achetés à un prix raisonnable, vous aidera à traverser les périodes de baisse des marchés et à laisser le temps jouer en votre faveur. Le temps est votre ami lorsque vous détenez de bonnes entreprises et votre ennemi lorsque vous spéculez.

Titres de capital-actions ou titres à revenu fixe (actions ou obligations)?

Nous évoquons les valorisations des actions depuis déjà plus de vingt ans, alors que les taux d’intérêt – en prenant pour référence les bons du Trésor américain à dix ans – sont passés d’un maximum de près de 16 % en septembre 1981 à un minimum de 0,66 % en juin 2020, au plus fort de la pandémie de COVID-19.

Nous savons que, en prenant pour référence l’indice S&P 500, le rendement total annualisé à très long terme des actions (rendement) a été d’environ 10 %, composé depuis 1927. Toutefois, depuis 1981 (début de la longue baisse des taux d’intérêt), le rendement annualisé a été de 11,3 %, soit bien plus que la moyenne à long terme, alors qu’il a été de 7,8 % entre 1927 et 1981, soit bien en dessous de la moyenne. La logique veut donc que les taux d’intérêt soient l’un des vecteurs les plus importants du rendement des actions, sinon LE plus important. Ainsi, il faut s’attendre à ce que le rendement des 20 prochaines années soit très différent de celui des 20 dernières années puisque nous reconnaissons tous que la tendance des taux sera très différente.

Nous nous limiterons à dire que, d’après nos observations sur les données passées, le rendement moyen à long terme sera semblable à celui de la période 1927-1981.

Examinons maintenant les titres à revenu fixe : si les obligations d’État offrent de faibles rendements aux investisseurs (les bons du Trésor américain à 10 ans rapportent 4,19 %, tandis que les bons du gouvernement canadien à 10 ans rapportent 3,08 %), il n’en va pas de même sur le marché des titres à rendement élevé. Au moment d’écrire ces lignes, l’indice Bloomberg des obligations de sociétés américaines à rendement élevé affiche un rendement de plus de 8,5 %.

Certes, cela ne prouve pas que les obligations battront les actions au cours des années à venir, mais le niveau actuel des rendements offerts suggère que les rendements des titres de créance et des titres à revenu fixe sont potentiellement plus élevés que les rendements des actions du S&P 500. Or, ces rendements prévoient un taux d’intérêt contractuel. Ils sont donc soumis à une variabilité et une incertitude bien moindres. Pour ceux qui s’inquiètent de la volatilité, comme ce que nous traversons depuis quelques jours, un rééquilibrage en faveur des titres à revenu fixe devrait absolument être envisagé.

Politique : même si la situation est déconcertante et pénible, cela aussi passera…

  • Ne laissez pas les émotions à court terme influencer la prise de décision à long terme. Si votre « plan » était bon il y a deux ans, à moins que votre situation personnelle n’ait changé, il est probable que ce plan soit encore le bon.
  • Les bouleversements politiques au sud de la frontière sont en fait un coup de semonce salutaire pour de nombreuses nations souveraines amies des États-Unis. Elles devraient revoir et réévaluer leurs politiques, tant économiques que géopolitiques, pour l’avenir. Aucune bonne entreprise ne devrait trop dépendre d’un seul client, comme le fait le Canada avec les États-Unis.

Volatilité et psychologie : une sorte de sadomasochisme?

  • Y en a-t-il parmi vous qui vérifient tous les jours la valeur de leur maison? Pourtant, pour la plupart des gens, il s’agit de l’actif le plus important qu’ils possèdent. Prenons un cas concret : mon père a acheté une maison, y a vécu avec sa famille (ma mère et trois enfants) pendant 33 ans et, lorsque les enfants ont quitté le nid, il l’a vendue et s’est rendu compte qu’elle avait pris beaucoup de valeur. Le plus beau de tout cela, c’est qu’il l’a achetée 78 000 $ en 1981 et l’a revendue 400 000 $ en 2014, sans aucune fluctuation de prix et avec une augmentation linéaire de sa valeur. Il n’a pas vérifié la valeur de sa maison une seule fois jusqu’à ce qu’il la vende. La morale de l’histoire :
    • Vérifier fréquemment la valeur de son portefeuille est peut-être une mauvaise idée, car la douleur d’une perte financière a un effet psychologique plus important que la satisfaction qui découle d’un gain financier équivalent.
    • Est-ce que nous nous infligeons à nous-mêmes la douleur causée par la volatilité? Il n’était pas nécessaire de vérifier votre portefeuille tous les jours…
    • En ce qui concerne le rendement à long terme, un « coma » serait préférable, d’un point de vue purement émotif, pour la plupart des investisseurs…

La macroéconomie, et pourquoi nous cherchons à éviter le sujet dans nos commentaires trimestriels…

  • Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles l’économie est qualifiée de science lugubre. Les prévisions exigent de faire des hypothèses, beaucoup d’hypothèses. C’est comme essayer de résoudre un nombre illimité d’équations avec un nombre illimité de variables. Bonne chance!
  • Tant et aussi longtemps que le système restera fondamentalement capitaliste, les bonnes entreprises continueront à prospérer. La psychologie humaine ne changera pas (c’est-à-dire que nous passons de l’avidité à la peur pour revenir généralement à l’avidité) et c’est dans ce cadre que Claret peut évoluer de façon rationnelle.

En conclusion, nous analysons les entreprises au mieux de nos capacités, nous diversifions nos portefeuilles, nous faisons confiance aux entreprises que nous possédons et aux personnes qui les dirigent, et nous les détenons à long terme.

Ce dont nous nous méfions, ce sont les opinions intéressées et les « leçons » de marketing des politiciens, des banquiers d’affaires, des courtiers et des réseaux sociaux. Comme en témoignent les fluctuations des quatre derniers jours (depuis que Trump a annoncé ses guerres tarifaires), le Dow Jones a gagné et cédé un total de 13 211 points, pour se retrouver, au moment d’écrire ces lignes, en baisse de moins de 3 000 points. Devinez qui a gagné de l’argent? Probablement quelques gestionnaires de fonds spéculatifs, et surtout des courtiers et des négociateurs. Et qui a perdu? Assurément les investisseurs paniqués et les spéculateurs stupides, et très probablement ceux qui utilisent l’effet de levier pour investir.

En passant, le secrétaire américain au commerce Howard Lutnick est un courtier et négociateur, ancien président du conseil et chef de la direction de Cantor Fitzgerald, une entreprise spécialisée dans la vente et la négociation de titres. Le secrétaire américain au Trésor, Scott Bessent, est pour sa part un gestionnaire de fonds spéculatifs dont les antécédents sont peu reluisants…

Un bon printemps à tous!

Auteur(e)

  • Alain D. Chung, CFA
    Alain a commencé sa carrière en 1983 et est détenteur du titre de CFA. Il a obtenu son baccalauréat en administration des affaires du HEC Montréal pour lequel il s’est mérité une bourse d’excellence en finance. Alain est co-fondateur de Claret et président du conseil et chef des placements. Avant de se joindre à Claret, Alain a travaillé pendant 16 ans comme courtier en valeurs mobilières et vice-président auprès de CIBC Wood Gundy. Alain parle anglais, français, vietnamien, cantonnais et mandarin.

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