Une tendance haussière fort cahoteuse

Les marchés boursiers ont amorcé l’année sur une tendance haussière fort cahoteuse. Bien que le chemin ait été agité, notamment lors d’une correction incisive en janvier, les marchés ont clôturé le trimestre avec un gain de 5%.

Trois mois se sont écoulés depuis notre dernière lettre trimestrielle mais nos perspectives pour l’année n’ont pas changé. Nous nous attendons toujours à une hausse modérée des places boursières qui sera perturbée par une correction au cours de l’année. Plus la correction arrivera tôt, plus cela laissera du temps à une reprise de prendre de la vigueur avant la fin de l’année.

Nos balises n’ont pas changé. Nous continuons à favoriser les actions ordinaires et à nous tenir à l’écart des obligations gouvernementales de longue échéance. Par ailleurs, les investisseurs devraient respecter religieusement l’allocation d’actifs qui leur permet de demeurer en tout temps dans leur zone de confort puisque trop de volatilité crée de grands élans émotifs qui, bien que favorables en amour, sont à proscrire en investissement.


Puisqu’il s’agit d’un sujet très délicat, nous ne parlons que très rarement de politique dans nos lettres trimestrielles. Nos clients nous engagent pour faire de l’argent et non pas pour partager notre vision du monde et certainement pas pour être en accord avec nos opinions politiques. D’ailleurs, nous allons parfois à contre-courant de nos propres opinions pour essayer d’en tirer profit. Par exemple, nous croyons que la cigarette est dommageable pour notre santé et cause des coûts à la société mais, si les actions des compagnies de tabac devaient devenir bon marché, nous en achèterions volontiers.

Depuis le début de la crise financière, nous avons remarqué que les gouvernements prennent avantage de la grogne du peuple pour mettre sur pied des idéologies populistes, comme le renforcement de la règlementation des secteurs privés. L’industrie financière à travers la planète doit maintenant jongler contre une armée de nouvelles règlementations dont le but est de tenter d’éviter d’autres catastrophes.

Le système de santé américain se convertit tranquillement. C’est la nationalisation au nom de la couverture universelle. Le Président Obama et les démocrates essaient de faire croire au peuple américain que la réforme va couper le déficit dans dix ans. On peut croire en bien des choses mais, ils sont incapables de prévoir le déficit de l’année à venir …

Avec les nombreux stimuli fiscaux, les dépenses gouvernementales reprennent là où les dépenses des consommateurs ont laissé puisque les finances de ces derniers sont étirées au point où ils sont forcés à économiser. Conséquemment, les dettes publiques ont gonflé à des niveaux qui n’ont jamais été vus auparavant en termes absolus et, dans certains cas, en termes relatifs.

Malgré l’embauche des gouvernements (le gouvernement américain a engagé 1.2 millions de personnes pour le recensement) et une lente reprise, la plupart des analystes croient que le taux de chômage va demeurer élevé pour plusieurs années à venir.

Dans cette lettre, nous allons tenter d’adresser certains de ces débats d’opinions et de ces préoccupations sociales qui tapissent les pages des journaux depuis quelques années déjà. Bien que nous vous expliquions notre vision des choses, il est important de se rappeler qu’il s’agit d’UNE opinion parmi tant d’autres et que vous êtes loin d’être obligé de la partager !

Est-ce que les banquiers sont à blâmer pour la panique financière?

Nous ne croyons pas que les banquiers d’affaires font exprès pour mener leurs affaires en dehors du contexte de la loi. Bien qu’ils aient clairement une portion du blâme à porter, c’est un cadre règlementaire déficient que les gouvernements ont mis en place qui est aussi à blâmer.

Par contre les banquiers ont un lobby très puissant, ils influencent les politiciens et les hommes de loi de façon à pouvoir travailler dans un contexte plus favorable et ils obtiennent ce qu’ils veulent. C’est clairement le contexte règlementaire du congrès qui a été la bougie d’allumage des mauvaises pratiques qui ont démarré la débâcle. Une fois le processus en marche, la Federal Reserve a mis de l’huile sur le feu en gardant les taux d’intérêts bas ce qui a encouragé une vague importante de spéculation sur l’immobilier et éventuellement mené à la crise financière. Pour revenir aux banquiersd’affaires, on ne peut que conclure que ce sont de cupides opportunistes et, aux dernières nouvelles, ce n’est pas illégal.

Cependant, la spéculation a mené les courtiers hypothécaires à faire des entourloupettes qui permettaient aux acheteurs potentiels de mentir facilement sur leur situation financière pour assurer une approbation hypothécaire. Les banques ont étiré leur bilan et ont encouru un niveau indécent de dettes, soit des leviers financiers de 40 pour 1. Nous pouvons clairement affirmer qu’il y a un problème important dans l’industrie financière. Nous croyons que le système de compensation fait défaut et agit comme un venin dans l’industrie financière. Les courtiers hypothécaires sont rémunérés à condition que les hypothèques soient approuvées. Les banquiers d’affaires sont payés à raison de la quantité d’affaires qu’ils sécurisent. Les courtiers en valeurs sont aussi payés à commission en vendant des titres adossés à des créances hypothécaires. Finalement, les négociateurs des banques voient leur bonus exploser en prenant plus de risques (à l’aide d’effet de levier) pour spéculer davantage.

Le levier financier a la réputation d’être une bombe à retardement. En fait, on pourrait faire une analogie entre l’effet de levier chez les financiers et le dopage chez les athlètes. Pour gagner plus, certains sont incapables de s’en passer. Ultimement, le devoir revient à chaque compagnie, sous la gouverne de ses actionnaires, de mettre sur pied un système de compensation qui inclut des pénalités proportionnelles à l’utilisation des tactiques proscrites.

Pourquoi les gouvernements sont-ils à blâmer dans ce désastre?

Les pressions des lobbies lors des campagnes électorales ont contribué grandement à créer un environnement règlementaire laxe, dressant ainsi la table à des politiques questionnables et à l’absence de politiques nécessaires à la bonne gouvernance lors de la première moitié de la décennie. L’utilisation furtive de leviers cachés s’est ensuivie, couplée d’un jargon légal fort complexe et de règlements comptables qui ont permis aux entreprises de cacher la dette et la qualité des emprunts aux actionnaires et aux organismes de règlementations.

Est-ce que le gouvernement peut aider à réparer le système ?

Oui, mais seulement en établissant des exigences de capital strictes de façon à contrôler l’utilisation de l’effet de levier financier et en renforcissant ce cadre règlementaire par un régime punitif sévère pour les banquiers contrevenants. Par ailleurs, le gouvernement devrait se concentrer sur de meilleures règlementations au détriment de plus de règlementations. Malheureusement, nous ne croyons pas que le désir politique abonde dans la même direction, spécialement au niveau du congrès.

Dans le débat sur la réforme financière, les démocrates veulent imposer un frais aux grandes institutions financières afin de les couvrir sous la politique gouvernementale « too big to fail ». Cette politique ressemble à une prime pour une assurance tout risque pour les banquiers. N’est-ce pas une politique qui fait la promotion de l’insouciance et l’utilisation outrageuse de l’effet de levier puisqu’on a maintenant une assurance pour nous sauver ? Il nous semble que cette politique ferait la promotion des mêmes comportements qui nous ont fait plonger dans ce marasme.

Le gouvernement américain cherche à introduire une panoplie de nouveaux règlements qui visent à surveiller les opérations, les enveloppes salariales et la taille des banques. Cette situation nous semble très cynique. Si les différents régulateurs n’ont pas vu ce qui était à venir avec la bulle immobilière, qu’est-ce qui fera qu’ils seront plus visionnaires lorsque le prochain désastre va frapper ?

Les politiciens adorent la règlementation en général puisque cela fait augmenter leur pouvoir. Soyez sans crainte, nous ne sommes pas contre l’application de la loi. D’ailleurs, nous croyons fermement qu’une société capitaliste ne peut fonctionner sans un cadre législatif. Cependant, lorsqu’on règlemente à l’excès, l’innovation et la motivation sont étouffées et cela favorise une économie stagnante. En général, trop de règlementations augmente le coût de faire les affaires pour les petites et moyennes entreprises qui représentent la plus grosse partie de l’économie. Cela décourage l’ardeur au travail et encourage la bureaucratie.

Est-ce que les déficits et la dette vont couler l’économie américaine ?

Pas nécessairement. Pour bien répondre à cette question, nous devons faire un parallèle avec un bilan : les actifs, les passifs et l’équité (le capital action). Le PIB est l’équivalent des revenus d’un pays. Conséquemment, la taille de la dette et des déficits doit être relative aux revenus. Pour un pays, un gros déficit peut être corrigé par la croissance des revenus. En d’autres mots, l’implémentation de politiques fiscales et de règlementations qui favorisent la croissance du PIB a comme effet de corriger, relativement parlant, les problèmes de dettes. Autrement, des politiques qui ne stimulent pas la croissance amènent la stagnation comme au Japon et en Californie.

Les États-Unis ont besoin d’un meilleur équilibre au sein du Sénat et du Congrès pour diriger le pays dans la bonne direction. Aussi surprenant que cela puisse sembler, les États-Unis auront encore les bénéfices d’une tendance démographique positive, d’un bon esprit d’entrepreneurship et du pouvoir de l’innovation et de la créativité.

Est-ce que le huard va demeurer fort ?

Pour l’instant ! Nous sommes un pays avec une devise caractérisée de “Petro dollar” après tout. Tant que le prix des matières premières demeurera fort, notre dollar suivra. Nous devrions cependant garder en tête la nature cyclique du prix des matières premières.

Au cours des évènements des dernières années, notre système bancaire a épaté la galerie par sa solidité. Nos six banques ont fait face à la crise financière et s’en sont sorties indemnes et bien capitalisées. Conséquemment, l’argent institutionnel afflue au Canada et on achète des dollars canadiens pour pouvoir prendre des participations dans nos titres bancaires.

Ultimement, un dollar stable est mieux pour notre économie qu’une devise volatile comme nous connaissons présentement. La volatilité augmente le coût d’être en affaires pour les sociétés manufacturières en général. Il ne faut pas oublier que nous ne pouvons pas construire un pays solide uniquement en vendant nos ressources. En termes comptables, c’est l’équivalent de vendre nos actifs tout en comptant cela comme du revenu. Éventuellement, cela va nous rattraper.

Quelle est la plus dangereuse : l’inflation ou la déflation ?

Malheureusement, nous croyons que nous sommes coincés dans une période relativement confuse en ce qui concerne les pressions sur les prix et que nous allons demeurer dans cet état pour une bonne période. D’un côté, nous savons que tous les pays ont fait surchauffer les presses à billets et que d’imprimer trop d’argent est inflationniste. D’un autre côté, les progrès technologiques ont fait fondre les prix des produits de consommations, notamment suite à l’amélioration de l’efficacité de la production, de la globalisation, des installations manufacturières éparpillées à travers la planète qui permettent de bénéficier des salaires faibles des pays en développement. C’est probablement pour l’ensemble de ces raisons que l’IPC (Indice des produits de consommation) a à peine bougé au cours de la dernière décennie alors que pendant la même période, les commodités, qui sont relativement intouchées par ces améliorations technologiques, ont vu leur prix monter en flèche.

Étant donné que personne ne peut prédire l’étendue ni la fin des progrès technologiques et créatifs et que les gouvernements vont conserver leur propension à imprimer de l’argent (pour notamment réduire le coût du remboursement de la dette) nous n’avons pas de réponse à cette question.

Est-ce que la Chine est un ennemi ou un allié ?

La plupart du temps, la Chine est un allié. Par contre, certaines situations pourraient être incertaines. Le principal souci de la Chine est la sécurité intérieure. De façon à garder son peuple au travail, la Chine nécessite une croissance de 5% ou plus de son PIB. Ses lieutenants politiques comprennent que toute interruption de cette croissance pourrait déclencher de fortes convulsions sociales et une situation potentiellement incontrôlable qui ne doit pas être sous estimée, spécialement lorsqu’on parle d’une population de 1.2 milliards de personnes.

Dans sa quête de devenir une puissance mondiale, la Chine cherche à trouver le juste équilibre entre conserver un profil bas et démontrer son influence grandissante. Conséquemment, les leaders chinois vont s’enfarger de temps à autre dans leurs politiques. Voici comment Deng Xiaoping a résumé la relation américano-chinoise dans une épigramme dans les années 80: il y a des limites inhérentes à de bonnes relations et des limites inhérentes à de mauvaises relations.

Les intérêts stratégiques communs des deux pays vont prévenir l’effritement de leur coopération. La Chine a besoin du marché américain pour ses exportations. Elle a aussi besoin des investissements et de la technologie américains. L’Amérique a besoin des produits à faible coût manufacturés en Chine pour remplir les tablettes de Wal-Mart.

La coopération va demeurer indifféremment des conflits périodiques. De plus, que vont écrire les journaux s’il n’y a plus de mécréant à sermonner ?


Vos questions et commentaires sont les bienvenus en tout temps et nous essaierons de les adresser dans la prochaine lettre trimestrielle.

L’Équipe Claret

Auteur(e)

  • Claret
    Fondée en 1996, Claret se spécialise dans la gestion de portefeuille de placements afin de répondre aux besoins grandissants d’une clientèle d’investisseurs privés à valeur nette élevée.

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